Un an avant son fameux concert de Cologne (1975) objet d’un des disques les plus vendus de l’Histoire du jazz - Keith Jarrett compose et écrit une œuvre pour piano seul, Ritual, qu’il ne jouera jamais. Cette pièce est destinée au jeune pianiste et chef d’orchestre Dennis Russell Davies, qui l’enregistrera en 1977 mais qui ne sortira qu’en 1982 sur le fameux label allemand de Manfred Eicher : ECM. 

Cette pièce ne laisse aucune place à l’improvisation ; elle est entièrement écrite du début à la fin. Durant plus de trente minutes et d’un seul tenant Ritual développe un motif mélodique initial assez simple et très répétitif d’une façon cyclique, qui n’est pas sans rappeler Liszt et sa Sonate en si mineur, elle aussi d’une demi-heure et d’un seul tenant. À son écoute on retrouve tout ce qui fait l’art du pianiste : des mélodies introspectives d’une grande sensibilité, des envolées virtuoses, une énorme énergie typique de Jarrett qui donne envie de taper du pied, des ostinatos très longs à couper le souffle et un traitement du piano qui emprunte autant au passé (chorals dans le style élisabéthain) qu’aux compositeurs contemporains (traitement du piano tel un gamelan ou un xylophone en mettant les deux mains parallèles dans les aigus) ou aux jazzmen – l’harmonie forcément – avec des phrasés à la Paul Bley ou des élans à la John Coates Jr. 

J’entourerai cette pièce de plusieurs bis de concerts inoubliables : Tokyo, Bruxelles, Berlin.